Les caractéristiques de givrage au sol sont aussi diverses que les conditions atmosphériques à l’origine du givrage. Le problème de la protection des avions contre le givrage comporte un grand nombre d’aspects et l’expérience pratique montre qu’il est encore l’un des problèmes le plus important pour la sécurité des vols.
Laisser le givrage s’installer sur un aéronef, c’est perdre le contrôle de la configuration aérodynamique de l’avion. Dans ces conditions, les caractéristiques de vol de le l’aéronef deviennent imprévisibles pour l’équipage.
Le givrage est dû à la présence d’eau sous forme liquide à des températures négatives. En impactant, elle se transforme en glace : il y a accrétion sur l’avion.
Le givrage modifie le profil de l'aile (diminution de la portance, augmentation de la traînée) et l'accumulation de la glace sur la cellule augmente le poids de l'avion. Ces deux phénomènes séparément ou ensemble peuvent entraîner le décrochage de l'avion.
Pour les avions munis de moteurs à piston, il y a le givrage du carburateur. Celui-ci peut givrer en ciel clair si de l'air est chargé d'humidité, même avec une température supérieure à zéro degré.
Lorsque la température est faiblement négative, il reste de l'eau liquide (dite en surfusion) dans les nuages. Au contact de l'avion, ces gouttelettes en surfusion se congèlent. De la glace se forme ainsi par accrétion sur la surface de l'avion.
L'eau ne congèle qu'à des températures négatives.
Entre 0° et –12°/-15°C très peu d’aérosols constituent des noyaux glaçogènes. L’eau condensée est majoritairement liquide et surfondue. Le nuage présente un fort potentiel givrant.
Source : Météo France
La congélation est le processus par lequel l’eau passe de son état liquide à son état solide. Cette possibilité concerne quelques rares cas où l'eau liquide à température positive est restée "stockée" sur certaines parties extérieures de l'aéronef (rainures, articulations des gouvernes, etc.. La traversée d'un milieu atmosphérique à température fortement négative peut entraîner la congélation de cette eau.
La condensation est le processus par lequel l’eau passe de son état gazeux (vapeur d'eau) à son état solide. Ce phénomène se rencontre au sol, mais aussi en vol hors des nuages dans un milieu à très forte humidité sur un avion très froid.
La classification du givrage peut s’envisager sous deux formes :
- une classification quantitative donnant les intensités du givrage en fonction du milieu rencontré,
- une classification qualitative donnant l’aspect du givrage en fonction du milieu rencontré.
Les gouttelettes liquides ne se congèlent pas nécessairement à 0 °C ; elles peuvent rester à l’état surfondu, c'est-à-dire sous forme de gouttes liquides à température négative. Cet état instable cesse lorsqu’il y a contact sur un objet, ou au contact d’un noyau glaçogène (particule microscopique qui agit comme déclencheur de la congélation de la gouttelette).
Le contenu en eau liquide CEL ou Liquid water content LWC en anglais
Le CEL exprime la quantité d’eau liquide condensée présente dans un mètre cube d’air humide (g/m3)
Le CEL n’est pas homogène et varie rapidement dans les nuages stables et instables, le long d’une trajectoire horizontale du nuage, dans l’épaisseur d’un nuage.
- brume et brouillard de 0,1 à 2 g/m3
- nuages stables (St, As, Ns) de 0,1 à 0,5 g/m3
- nuages instables (Cu, Ac, Cb) de 1 à 5 g/m3
- nuages instables (Cu, Ac, Cb) de 2 à 5 g/m3 (jusqu'à 15 g/m3 dans certains nuages instables tropicaux)
Les noyaux glaçogènes sont tous actifs à partir de – 35 °C. On peut considérer que le potentiel givrant est nul en dessous de – 35 °C.
Ces valeurs ne sont qu’indicatives et ne représentent que des ordres de grandeur.
La taille des gouttelettes nuageuses conditionne l’accrétion (captation, forme et zone contaminée) et donc la sévérité.
À partir de 40 microns, une gouttelette devient une goutte.
Source : Météo France
Cette classification fait référence à l'aspect du givrage. Cet aspect est fonction de la quantité d'eau surfondue rencontrée, mais aussi de la dimension des gouttelettes d'eau du milieu givrant et du processus de formation.
Rappel :
- diamètre des gouttelettes d'eau des nuages stables : 0,002 à 0,03 mm
- diamètre des gouttelettes d'eau des nuages instables : 0,04 à 0,02 mm
- diamètre des gouttelettes d'eau des précipitations : quelques mm
- Aspect : cristallin en forme d’aiguilles, d’écailles ou de plumes qui la rendent friable.
- Formation : condensation solide, passage direct de la vapeur d’eau en cristaux de glace. Peut se produire en dehors des nuages.
- Conditions météorologiques : anticycloniques en hiver, par nuits froides et peu ventées.
- Conséquences : l’accrétion apparaît au sol sur un avion au parking par des températures froides. Ou lors d’une descente ou d’une montée rapide dans une couche humide lorsque l’avion est froid.
- Sévérité : le givrage associé est généralement faible.
- Aspect : blanc et opaque, plutôt friable et fragile.
- Formation : sur une surface froide, dans un milieu nuageux homogène froid. Les gouttelettes en surfusion congèlent très rapidement et emprisonnent beaucoup d’air en touchant l’avion.
- Conséquences : le givre s’accumule en pointe sur les parties exposées (bords d’attaque, etc.). Il s’entasse et s’étend vers l’avant.
- Sévérité : le givrage associé est généralement faible à modéré.
- Aspect : homogène, lisse, transparent, compact et très solide par absence d’inclusion d’air.
- Formation : sur une surface froide, dans un milieu nuageux homogène, les gouttelettes en surfusion s’étalent et congèlent lentement.
- Conditions météorologiques : T° proche de 0 °C, avec un contenu en eau liquide CEL important
- Conséquences : création de formes. Le dépôt peut s’étaler en dehors des zones dégivrées.
- Sévérité : le givrage associé est généralement modéré à fort.
- Aspect : givre hétérogène, avec des accrétions de glace claire et compacte mêlées à des accrétions plus blanches et friables.
- Conséquences : similaires au givre transparent.
- Formation : sur les surfaces froides, dans un milieu nuageux hétérogène où varient la température et la taille des gouttes.
- Sévérité : le givrage associé est généralement modéré à fort.
Le verglas est lié à la pluie givrante freezing rain ou à la bruine givrante freezing drizzle.
- Aspect : identique au givre transparent, couche de glace dure.
- Formation : précipitations surfondues se congelant à l’impact – grosses gouttes.
- Conséquences : similaires au givre transparent – tout l’avion peut être touché.
- Conditions météo : perturbations.
Sévérité : le givrage associé est généralement fort.
- Faible (light) : n’implique pas de contraintes particulières sur la conduite de l’avion > 1 g/cm2/heure
- Modéré (moderate) : conditions de givrage pouvant amener l’équipage à juger utile de changer de cap ou d’altitude > 6 g/cm2/heure
- Fort (sévère) : conditions de givrage amenant l’équipage à changer immédiatement de cap ou d’altitude > 12 g/cm2/heure
L’intensité du givrage est cependant difficile à quantifier. Lorsque les conditions d’intensité « faible » durent, le risque lié au givrage augmente. De plus, cette classification se base sur les conséquences pour l’avion au cours d’un vol et non sur les conditions météorologiques mises en cause.
Il faut retenir qu’il n’y a pas « une » sévérité de givrage pour tous les avions passant dans la même zone.
Il y a des conditions givrantes qui, selon le type d’avion, la phase du vol, sa vitesse, le moment où il traverse la zone, et les conditions rencontrées au préalable, vont provoquer un givrage plus ou moins fort.
La présence et la quantité de gouttelettes sont conditionnées par la température de l’atmosphère. Le nombre de gouttelettes surfondues est plus important près de l'iso 0 °C. Des mouvements ascendants et descendants brassent les cristaux de glace et les gouttelettes entre les différentes altitudes, ceci alimente le nuage en gouttelettes d’eau surfondue. L’importance des mouvements augmente le brassage et permet de trouver des gouttelettes surfondues à des températures allant en moyenne jusqu’à -20 °C.
Source : Météo France
Nuages instables convectifs : Cb, Cu.
Des forts mouvements ascendants entraînent les gouttelettes d'eau des basses couches vers des niveaux où les températures sont négatives.
- à des températures entre 0 °C et - 10 °C, risque important de givrage ;
- à des températures entre - 10 °C et - 20 °C, risque de givrage modéré à fort dans les nuages récemment formés.
Le nombre de gouttelettes surfondues est plus important près de l'isotherme - 0 °C. Les mouvements ascendants et descendants brassent les gouttelettes et les cristaux de glace entre différentes altitudes. L'importance de ces mouvements augmente le brassage et permet de trouver des gouttelettes surfondues à des températures allant en moyenne jusqu'à - 20 °C.
Bien qu'il soit impossible de fixer la limite de température en dessous de laquelle aucun givrage ne peut se produire, il est admis que l'on ne rencontrera plus aucun givrage à des températures inférieures à - 40 °C
Nuages en couches : Ns .
La couche dans laquelle un givrage appréciable peut se produire est généralement limitée par les températures entre 0 °C et - 15 °C. Les couches de givrage ont tendance à être moins épaisses, mais plus étendues.
Givrage Orographique.
Au soulèvement au vent, le niveau de l'isotherme 0 °C s'élève avec l'air instable et descend avec l'air stable
L'air froid restant dans les vallées est surplombé par des arrivées d'air chaud humide et précipitant, produisant du verglas.
Givrage frontal.
La présence de précipitations surfondues est un phénomène systématique au voisinage des surfaces frontales, et ceci quel que soit le type de la masse d'air chaud.
Devant les fronts chauds, au cœur des occlusions, il peut exister des régions étendues à fort potentiel givrant.
Une gloire est un phénomène optique entourant un objet matériel, ayant la forme d'une ellipse aux couleurs de l'arc-en-ciel. Il s'agit d'une ou plusieurs séries d'anneaux colorés vus par un observateur sur un nuage constitué principalement par de nombreuses petites gouttelettes d'eau. En volant au-dessus d'une couche nuageuse et en regardant vers le bas, il est possible de voir une gloire entourant l’ombre que l'avion projette sur le sommet des nuages. Ce signe avertit le pilote d'un risque de givrage pouvant être sévère, si l'avion doit traverser le nuage pour descendre.
L’accrétion de givre/glace entraîne :
- une diminution du taux de montée ;
- une diminution de la vitesse horizontale ;
- une augmentation de la vitesse de décrochage ;
- une diminution du plafond pratique.
Le dépôt de contaminants givrés sur l’aile, même en faibles quantités, rend sa surface rugueuse : cette rugosité modifie localement le gradient de pression de la couche limite et peut la rendre turbulente ou la faire décoller de la surface.
Diminution de la portance
- une diminution de Rz pour un angle d’incidence donné ;
- une réduction de la Rz maximum ;
-une réduction de l’angle de Rz max.
Augmentation de la traînée
- une augmentation de Rx pour un angle d’incidence donné ;
- une augmentation de Rx pour une Fz donnée (la meilleure finesse est obtenue à des Rz faibles).
Le dépôt de contaminants givrés provoque une diminution de l’angle d’incidence auquel apparaît le décrochage.
L’accrétion de givre est rarement symétrique sur les deux demi-ailes : ceci explique qu’en cas de décrochage, celui-ci s’accompagne souvent d’un départ en roulis incontrôlé.
L’état de surface de l’aile est modifié par la présence de contaminants givrés qui, en fonction de leur rugosité, peuvent affecter gravement les caractéristiques de l’aile. Voir Rugosité d'une surface d'aile
Des essais en soufflerie avec reproduction de givre et de glace sur un profil aérodynamique pur NACA 65 A 215 et sur un profil avec une série de configurations d’hypersustentation, ainsi que des essais en vol ont permis de tirer une série de conclusions importantes.
L’effet d’un dépôt de glace au bord d’attaque en configuration croisière (volets et becs rentrés) sur la portance maximale varie selon une loi très différente d’une relation linéaire.
La couche mince de la glace initiale, qui présente des irrégularités de l’ordre de 1/3 000e de la corde (5 à 10 mm), peut réduire de 20 % le Czmax en configuration de croisière.
Une couche artificielle de glace dont l’épaisseur atteint le 1/50e de la corde (13 à 25 cm) peut, à une incidence donnée, réduire le Cz de 40 %.
Ci-dessous, effets sur le Cz(i) et le Cz max correspondant à des conditions de givrage en croisière.
Les volets du bord de fuite étant sortis, avec ou sans les becs d’attaque, on constate que la perte de portance maximale dans des conditions de givrage ne dépassait jamais 25 %, même avec une certaine quantité de glace présente dans les fentes des dispositifs.
Par contre, si un dépôt de glace se forme dans les fentes des volets de bord de fuite ou aux alentours de ces fentes, il peut se produire un déplacement considérable des courbes de Cz en fonction de l’incidence (i), ce qui signifie qu’il faut considérablement augmenter l’incidence pour obtenir le coefficient de portance correspondant à une vitesse d’approche donnée. Cette situation peut être une source de confusion pour le pilote et peut aussi provoquer un décrochage des extrémités de l’aile.
Au sol, lorsque tout l’extrados et le bord d’attaque sont recouverts, sur un profil d’aile avec ou sans hypersustentation, la réduction de la portance maximale est de 20 à 25 % pour une hauteur moyenne d’irrégularités dues au givrage de l’avion de 1/1300e de la corde.
Le givrage peut augmenter la traînée de telle sorte que les performances de remise de gaz avec un moteur en panne ne soient plus satisfaites.
- Même un givrage léger peut être dangereux.
- Le commencement du décollement des filets d’air sur l’aile sous l’effet du givrage peut se manifester par un léger buffeting, par une réduction de l’efficacité des ailerons, ou encore par des perturbations en roulis.
- Le décollement des filets d’air sur l’aile sous l’effet du givrage se produit plus rapidement si la vitesse d’approche est faible.
Etude conjointe de l’Aviation Civile de Suède et d’URSS par M. Inglemen-Sundberg et O.K. Trunov.
Si l’on se réfère à une étude du NTSB sur le givrage des aéronefs publiée en 2001, on constate une cohérence dans la répartition des accidents dus au givrage. En l’occurrence, l’aviation générale reste très sensible au risque du givrage, et en transport publ, le phénomène touche davantage les appareils à turbopropulseurs que les jets lors des phases de vol.
GA :General Aviation
Part 135 : commuter airlines et air taxis
Part 121 : majors airlines et cargo carriers
Quant à la répartition par phase de vol, il apparaît clairement que le givrage présente le plus grand risque au décollage et en croisière.
Dans l'aéronautique, le dégivrage consiste à retirer la glace et le givre accumulés sur les avions, et l'anti-givrage s'attache à éviter la formation de glace nouvelle.
Il existe de nombreux types de liquides de dégivrage en deux catégories principales :
- les fluides de dégivrage, composés de glycol réchauffé dilué dans de l'eau et utilisés pour le dégivrage et pour retirer la neige, aussi appelés fluides newtoniens.
- les fluides d'anti-givrage, composés de propylène glycol non chauffé et non dilué et dénommés fluides non-newtoniens.
L'antigivrage consiste à pulvériser sur tout ou partie de l'avion propre, une fine couche de liquide à température ambiante. Cette pellicule visqueuse protège l'avion de la formation ou du dépôt de givre, de neige ou de glace pendant une période variable selon les conditions climatiques et les spécifications du produit utilisé.
Le dégivrage s'impose quand les avions sont couverts de neige, de givre ou de glace. Ce traitement curatif consiste à nettoyer l'avion en associant à l'eau chaude, le produit est destiné à éviter un regel immédiat de l'humidité résiduelle refroidie. L'opération doit durer le moins de temps possible et être effectuée au plus près du décollage.
Le dégivrage en une phase s'effectue à partir d'une station fixe centralisée ou de plates-formes mobiles, un jet à fort débit de liquide chauffé et plus ou moins dilué pulvérise l'aéronef.
Le dégivrage en deux phases consiste à pulvériser une pellicule de produit aussitôt après la première phase de nettoyage, ce qui procure une protection plus durable et renforcée.
Ci-dessous dégivrage au sol avant décollage
L'étude des dispositifs de dégivrage ou anti-givrage n'entre pas dans ce chapitre. Voir Dégivrage avion
Les éléments dégivrés ou anti-givrés sont :
- les différentes sondes (anémométriques, de décrochage) ;
- les entrées d’air moteur et certains éléments du moteur par air chaud ;
- les bords d’attaque de l’aile par air chaud ;
- les bords d’attaque du plan fixe horizontal et de la dérive par air chaud ;
- les glaces frontales et latérales électriques ;
- etc...
La mise en fonctionnement des dispositifs peut être manuelle et/ou automatique.
Note : Sur le Boeing 787 «Dreamliner» les bords d’attaque des ailes et de l'empennage sont
électrothermique
- les différentes sondes (anémométriques, de décrochage) ;
- protection des bords d’attaque, et du cône de l’hélice électrique ou liquide (glycol) ;
- dégivrage des entrées d’air électrique ou par air chaud ;
- dégivrage des bords d’attaque des ailes, empennage et dérive : utilisation de boudins gonflables ou boots (en anglais) ;
- les glaces frontales et latérales électriques ;
- le réchauffage carburateur pour les avions à pistons ;
- etc.
La mise en fonctionnement des dispositifs peut être manuelle ou automatique.
Si certains monomoteurs comme le Cirrus SR22 GTS ou le Mooney sont équipés de dégivrage ou d'anti-givrage, la plupart d'entre eux, notamment les avions des aéro-clubs, ne comportent aucun dispositif à part le réchauffage carburateur.