L’incidence locale est mesurée par la sonde et correspond à la valeur de l’angle existant localement entre le vent relatif et l’axe de référence de la sonde. Le fuselage perturbant l’écoulement de l’air, ces mesures doivent être corrigées pour obtenir l’incidence avion.
L’incidence avion (appelée également incidence vraie, réelle ou corrigée) est définie par l’angle entre le vent relatif à l’infini amont et l’axe longitudinal de l’avion. Elle est généralement notée α . On appellera donc incidence avion l’incidence déduite de l’incidence locale à partir de la configuration de becs et volets.
L'angle de calage voilure/avion est supposé être égal à 0, d'où l'incidence avion est égale à l'incidence profil.
L'information d'incidence peut se présenter sous deux formes :
- évaluation instantanée de la marge par rapport à une valeur limite = d'incidence
- avertissement prévenant le pilote que la valeur limite est atteinte = Avertisseur de décrochage.
L'approche d'un décrochage se manifeste généralement par un buffeting (vibrations) naturel. Malheureusement, la marge entre l'apparition de ce buffeting naturel et le décrochage réel peut être très faible. Aussi, pour remédier à cet inconvénient, un avertisseur de décrochage émet une alarme sonore et/ou visuelle ou crée un buffeting artificiel avant l'apparition du buffeting naturel.
Il existe deux types de dispositifs d'alerte de décrochage couramment utilisés sur les avions légers.
Le premier type équipant de nombreux avions utilise une petite palette montée légèrement au-dessous et à l'arrière du bord d'attaque de l'aile, comme indiqué sur le dessin ci-dessous.
À faibles incidences (angles d'attaque), par exemple de croisière, la ligne de stagnation (point d'impact) est au-dessus de la palette, de sorte que la palette est maintenue en position basse.
Si l'angle d'incidence augmente, la ligne de stagnation recule en arrière sous l'aile. Lorsque la ligne de stagnation est suffisamment sous l'aile, la partie des filets d'air contournant l'aile vers l'extrados va soulever la palette vers le haut en provoquant par ce mouvement la fermeture d'un circuit électrique d'alarme.
Le second type de dispositif d'alerte de décrochage fonctionne sur un principe différent. Il est sensible à l'aspiration de l'air plutôt qu'à l'écoulement le long de la surface. Il est placé juste en dessous du bord d'attaque de l'aile, photo ci-dessous. À faibles angles d'attaque, la prise d'air de l'avertisseur de décrochage se trouve dans une zone de surpression et il n'y a donc aucune alarme. Quand l'incidence augmente, le champ de pressions se déplace et la prise d'air se trouve dans la zone de dépression, l'alarme retentit alors comme un harmonica dans lequel on aspire (dépression).
Le dispositif avertisseur de décrochage permet de créer un buffeting artificiel par l'intermédiaire d'un moteur vibreur en agissant sur le manche dès que l'incidence est proche de celle du décrochage. Ce vibreur de manche est appelé stick shaker en anglais.
Schéma de principe d'un vibreur de manche.
La mesure de l'incidence s'effectue à l'aide d'une palette ou girouette qui transmet sa position à l'aide d'un synchro-transmetteur. Cette girouette est dégivrée électriquement.
Un détecteur de position des volets hypersustentateurs, en fait un synchro-différentiel reçoit le signal fourni par le synchro-transmetteur et le modifie en fonction du braquage des volets hypersustentateurs. Le signal, une fois modifié, est envoyé à un amplificateur, puis au moteur vibreur. Ce signal variera selon l'angle d'incidence et le moteur vibreur ne fonctionnera que lorsque le signal sera suffisant, c'est-à-dire si l'incidence est proche de celle du décrochage.
Le vibreur de manche est monté directement sur la colonne de commande du manche.
La nécessité ou l'opportunité d'un "pousseur de manche" appelé stick pusher en anglais, est généralement examinée dans le cas d'un aéronef conçu avec un empennage en T. Lors d'un décrochage à incidence élevée, il est possible que l'air perturbé venant des ailes masque plus ou moins la gouverne de profondeur. Si cela se produit, l'avion ne décrochera pas franchement et la gouverne de profondeur deviendra inefficace, empêchant l'équipage de récupérer l'appareil par une action sur le manche.
En raison de la dangerosité de ce problème, de nombreux avions de ce type incorporent un stick pusher comme une mesure de protection " de l'enveloppe", ce qui rend très difficile (voire impossible) pour l'équipage d'avoir une incidence suffisamment élevée pour arriver au décrochage.
Le stick pusher est directement monté sur la servo-commade de la gouverne de profondeur.
Ce système ajoute une couche de complexité à la conception, le stick pusher ne doit pas s'activer lorsque cela n'est pas nécessaire, ou à un moment inapproprié et à la formation des pilotes pour reconnaître que l'avion s'efforce de les empêcher de se mettre dans une situation critique.
Donc, il faut que la configuration spécifique de l'aéronef exige vraiment pour la sécurité un stick pusher , pour que les avions en soient équipés.
L'indicateur d'incidence comporte généralement plusieurs éléments principaux pour calculer et afficher les valeurs sur le tableau de bord :
- un capteur comportant l'organe détecteur d'incidence, c'est la sonde d'incidence
- un transmetteur
- un dispositif d'asservissement
- un indicateur visuel et/ou sonore transmettant les informations dans le poste de pilotage
Ces sondes peuvent être soit du type à fentes, soit du type à palette ou girouette.
Ci-dessous, à gauche le type sonde à fentes et à droite le type sonde à girouette.
La sonde et le transmetteur se composent :
- d'un tube à 2 fentes dans lesquelles l'air passe.
- d'une palette mobile recevant sous la forme de 2 pressions d'air l'information. Elle est disposée dans un carter étanche.
- d'un dispositif de transmission de l'information qui assure également l'asservissement.
1 - Tube
Une cloison médiane, dont le plan constitue la référence de la sonde, sépare le tube en 2 compartiments appelés par exemple A et B. Si cette cloison n'est pas parallèle à la direction de l'écoulement - vent relatif - les pressions régnant dans les deux compartiments seront différentes.
Ci-dessous, PB est supérieur à PA.
2 - Palette
Soumise à la différence de pression entre PB et PA ; la palette (solidaire de son axe) va pivoter dans le sens de la flèche F entraînant son axe 0.
3 - Asservissement
En pivotant, l'axe de la palette va entraîner le bras qui commande simultanément la rotation du rotor du synchro-transmetteur et l'axe du capteur. L'asservissement ramène alors le plan de la cloison dans l'axe d'écoulement du vent relatif.
Les fentes étant alors symétriques par rapport au vent relatif, les deux pressions PB et PA s'équilibrent et la palette reste immobile, jusqu'au prochain changement d'incidence qui entraînera à nouveau un déséquilibre de pression.
Dans ce cas, l'axe de la palette va entraîner le bras qui commande le déplacement du curseur du potentiomètre et la rotation de l'axe du capteur. L'asservissement ramène le plan de la cloison dans l'axe d'écoulement du vent relatif.
Ci-dessous, une sonde d'incidence d'un Mirage III côté asservissement. En bleu le potentiomètre.
Chaque sonde est composée de cinq sous-ensembles :
- Sous-ensemble comprenant une girouette, une embase et un axe. Ce sous-ensemble est libre en rotation et se positionne dans le vent relatif. La girouette est équipée d’un dispositif électrique de dégivrage et d’antigivrage. Le mouvement de rotation est transmis aux résolveurs électriques à l’aide d’un train d’engrenages. Les résolveurs modulent chacun deux signaux électriques en fonction de la position de la girouette.
- Platine support. Elle permet de lier l’ensemble mobile et l’ensemble fixe à l’aide de deux roulements à billes (supérieur et inférieur) lubrifiés, dont les corps roulants sont isolés par des flasques d’étanchéité souples. Le montage en labyrinthe doit prévenir l’absorption d’eau et permettre à la sonde de « respirer ».
- Corps. Il contient l’amortisseur, permettant la stabilisation de la girouette, et les résolveurs. Ces derniers fournissent un signal en courant alternatif proportionnel à l’angle mesuré par la girouette.
- Support de roulement arrière. Il permet l’accès aux résolveurs ainsi qu’au réglage de l’amortisseur.
- Système de test. Il est composé de solénoïdes qui agissent sur la girouette pour l’orienter selon une position prédéterminée.
Les sondes sont réchauffées électriquement (115V AC) de façon automatique en vol ou au sol dès qu’un moteur est en fonctionnement. Sur certaines sondes d'incidence seul la girouette est réchauffée.
Tous les avions de transports civils actuels comportent une ou plusieurs sondes d'incidence (à ne pas confondre avec l'indicateur qui est placé sur le tableau de bord). L'airbus A320, par exemple, comporte 3 sondes d'incidence AOA (Angle Of Attack) disposées 1 à gauche et 2 à droite et 3 ADIRU (Air Data Inertial Reference Unit). Chaque sonde est reliée à un ADIRU et lui fournit les valeurs qu’elle mesure.
Note : L' ADIRU est un composant essentiel de l'Air Data Inertial Reference System, ou ADIRS, un système fournissant des informations sur la vitesse, l'incidence, l'altitude et les références inertielles (position et attitude) et bien d'autres informations d'un aéronef.
L'incidence est affichée sur le tableau de bord de différentes manières. Les indications peuvent être présentées sur des cadrans circulaires, horizontaux et verticaux. Leur position varie selon l'avionneur. Elles sont également disponibles sur PFD (Primary Flight Display) ou HUD (Head-Up Display).
Indicateur à affichage circulaire - Carlquist 1960
Indicateur à affichage circulaire - Teledyne Avionique
Airbus propose en option un indicateur qui fournit à l'équipage une incidence entre -5 et +25 degrés. Les deux indicateurs (gauche et droit) sont alimentés directement depuis leur centrale aérodynamique respective. En cas de défaillance du système, le pointeur est positionné en butée basse et un drapeau ambre apparaît.
Boeing propose en option un indicateur avec affichage numérique sur le PFD" (Primary Flight Display) et un pointeur. Une coche rouge indique l'incidence du déclenchement de l'avertisseur de décrochage. En outre, dès que les volets hypersustentateurs sont utilisés, une bande verte s'affiche pour indiquer la plage de l'incidence normale en approche. Ci-dessous l'option de Boeing.
Si sur les avions de transport l'indicateur d'incidence est en option, tous les avions de chasse actuels en sont pourvus.
Ci-dessous, l'indicateur d'incidence du F-16 se compose :
- un indicateur placé sur le tableau de bord affiche en degrés l'incidence sur une plage verticale de -5 à +32 degrés.
- un indexeur fournit une indication visuelle - chevrons ou cercle - en utilisant les mêmes couleurs que l'indicateur. Il est placé sur le côté gauche au-dessus du tableau de bord.
- sur le HUD l'indication n'est disponible que lorsque le train d'atterrissage est sorti.
Les Side-Slip Angle Probe ou sondes détectant l'angle latéral (glissement latéral) équipent les Airbus A380 et A350. Ces sondes sont placées sur le nez de l'avion devant les pare-brises. Un avion dispose de 3 sondes, et chaque sonde est connectée à un ADIRU et lui fournit les valeurs qu’elle mesure. Voir définition ci-dessus.
La sonde est composée d'une ailette (palette) pour mesurer l'angle de glissement latéral local entre -60 ° et + 60 °, et transmet ce paramètre à l'ADIRU.